La morale étant principalement prohibitive, les sociétés ancestrales bantoues ont mis en place une législation constituée fondamentalement des interdits. Connus sous l’appellation des « Miziro » chez plusieurs tribus de la province du Sud-Kivu, ils tenaient compte de la fragilité humaine et de la miséricorde. Aujourd’hui avec le modernisme, tout semble être oublié, les repères ancestraux ne guident presque plus les sociétés dites « modernes ».

On pourrait multiplier le dénombrement des interdits chez les tribus du Sud-Kivu, c’est notamment ceux relatifs au  mariage, à la naissance des enfants, ceux concernant la vie commune au foyer, la liste serait longue.

A titre d’exemple, chez les Bashi, l’homme ou la femme ne devrait pas porter les habits de son conjoint. La transgression de cet interdit provoquait inévitablement la mort du conjoint qui s’est mal comporté. Chez les Bambebe, jeter des excréments sur la terre était interdit.

Le Père Lwiyando Mujishamba Donatien avait, lors du forum culturel en 2020, expliqué que le recours aux interdits, aux tabous et à la coutume en général, soutenait la morale de la société. Ils sont des médiateurs entre le sacré et le profane.

Aujourd’hui, à l’heure du modernisme avec ses corolaires de techniques et son libéralisme éthique, la tendance de nombreux est de dire que les interdits n’existent plus et les peines ne sont plus efficace.  Ils sont parfois considérés comme étant des pratiques réservées aux sociétés traditionnelles ou ancestrales.

Le conservateur de la culture Bashi, M. Shakulwe Konda, fait savoir que les Miziro (interdits) ont encore de la place dans les sociétés modernes et condamne leur abandon aux bénéfices des cultures importées.

« Parce qu’on les a sabotés, on a cru qu’on les a cassés, mais ça existe et ça fait beaucoup plus de méfaits que ça ne faisait avant parce que tout le monde prenait ses gardes. Mais maintenant aujourd’hui quand on croit que ça n’existe plus, pendant que ça existe tous les jours, alors ça fait beaucoup plus de méfaits. Les miziro tuent tous les jours », dit-il.

Pour Shakulwe Konda, abandonné ces pratiques culturelles,  c’est oublier que la culture colle à la peau, et que malgré les mutations culturelles dues aux échanges interculturels, elle est du domaine de l’inconscient et influe sur la conscience de manière permanente.

Il souligne que les Miziro préservent la société contre les dérapages afin  d’éviter  de se compromettre dans la souillure sous toutes ses formes. En établissant ces interdits, soutient-il, l’ancêtre législateur tenait à la dignité et protégeait à tout prix la sacralité de la vie et de la famille

« Vous, évidemment, vous n’allez pas les comprendre comme ça.
Parce qu’on vous dit aujourd’hui que ce sont des habitudes rétrogrades.
Et ce sont des vocabulaires comme ça que vous apprenez de l’extérieur.
Et vous admettez ça. Vous ne réagissez même pas. Rétrograde par rapport à quoi ? Par rapport à Muzungu (blancs)? C’est ne pas Mzungu qui fait votre vie ? C’est votre père, votre mère qui font votre vie
 », renchérit-il.

Le conservateur des valeurs culturelles, Shakulwe Konda, appelle les peuples dans toutes leurs différences de valoriser leurs habitudes culturelles afin de sauvegarder  l’écosystème culturel.

Aboubakar KIGABI